Hélène Grémillon, Le Confident
Camille vient de perdre sa mère. Parmi les lettres de condoléances, elle découvre un étrange courrier, non signé. Elle croit d'abord à une erreur mais les lettres continuent d'arriver, tissant le roman de deux amours impossibles, de quatre destins brisés. Peu à peu, Camille comprend qu'elle n'est pas étrangère au terrible secret que cette correspondance renferme.
Dans ce premier roman sur fond de Seconde Guerre mondiale, Hélène Grémillon mêle de main de maître récit historique et suspense psychologique.
Camille est en deuil. Alors qu’elle vient juste d’apprendre qu’elle porte la vie, elle doit affronter l’expérience douloureuse du décès de sa mère. Les lettres de condoléances affluent et l’une d’elle attire tout particulièrement l’attention de la jeune femme. L’enveloppe est plus épaisse et la missive est longue et dépourvue de signature. Un homme prénommé Louis y raconte un souvenir d’enfance dans lequel évolue la mystérieuse Annie, alors âgée de huit ans. Pour Camille, il ne fait aucun doute que cette lettre ne s’est pas retrouvée entre les mains du bon destinataire. Pourtant, les jours passent et d’autres lettres arrivent. L’histoire de Louis et d’Annie se poursuit, si bien que Camille commence à voir dans ces lettres le début prometteur d’un roman envoyé par un jeune écrivain original, elle-même travaillant dans l’édition. Mais il n’en est rien et, alors que l’envoi des lettres se poursuit, Camille commence à se sentir mal à l’aise face à l’histoire tragique de ces êtres auxquels elle n’est visiblement pas liée.
Le Confident est un roman sur le secret, celui que l’on dissimule par pudeur, celui que l’on cache pour ne pas blesser, celui qu’il faut un jour offrir ou imposer à l’autre parce que son poids est trop lourd à porter. Ou parce que sa révélation est nécessaire. Ainsi, Louis, qui a toujours pensé « que les secrets doivent mourir avec ceux qui les ont portés », sera ce fameux confident, l’unique émetteur d’une correspondance aussi douloureuse que salvatrice. Le Confident est aussi un roman sur l’amour, amour sincère d’une fille pour ses parents, amour fou d’un homme pour une femme, amour dévastateur d’une mère pour sa fille. L’histoire racontée est des plus tragiques, on peine à imaginer la douleur des personnages et, alors que l’on pense compatir à la souffrance de l’un, la voix de l’autre se fait entendre et vient remettre en question nos certitudes. Nulle trace dans ce roman d’un quelconque manichéisme. C’est, incontestablement, ce qui en fait sa force. Le lecteur n’est pas là pour juger les actes. Il en prend connaissance et accompagne Camille dans cette découverte. Je me rends compte qu’il est très difficile de parler de ce roman sans trop en dire… Alors, comment vous convaincre ? Ce roman plaira à coup sûr à ceux qui aiment les histoires de famille compliquées, sans doute aussi à ceux qui ont un faible pour l’histoire. Les événements ont en effet pour arrière-plan historique la Seconde Guerre Mondiale : l’occupation, les arrestations, les restrictions, tout y est parfaitement décrit. C’est un roman qui joue avec la technique narrative puisque trois voix se font entendre sous des formes diverses, ce qui est très appréciable ici. C’est, en outre, un très beau texte : j’ai noté ci-dessous quelques citations qui m’ont touchée mais sachez que Le Confident regorge de petites phrases comme celles-ci. Enfin, Hélène Grémillon, qui signe là son premier roman, fait preuve d’une parfaite maîtrise du suspense : la fin est à couper le souffle.
L’œuvre en quelques mots…
« La plupart des gens tombent amoureux d’une personne en la voyant, moi l’amour m’a pris en traître. Annie n’était pas là quand elle s’est installée dans ma vie. » (p.19)
« Cette année-là, au centre du monde, il y avait moi et Annie. Autour, il se passait plein de choses dont je me fichais éperdument. En Allemagne, Hitler devenait chancelier du Reich et Einstein s’enfuyaient pendant que Dachau se construisait. Naïve prétention de l’enfance de se croire à l’abri de l’histoire. » (p.21)
« Ce ne sont pas les autres qui nous infligent les pires déceptions, mais le choc entre la réalité et les emballements de notre imagination. » (p.35)
« J’ai souvent remarqué qu’une naissance appelle une mort. Comme s’il y avait un numerus clausus des âmes sur terre. Je n’ai pas eu longtemps à attendre pour que ce terrible jeu de passe-passe se vérifie. Maman est morte quatre jours après que je lui ai annoncé que j’étais enceinte. Perdre sa mère à quelques jours de le devenir est un terrible exil. » (p.92)