Arnaud Rykner, Le wagon
Tout ce qui est raconté ici est vrai. Tout ce qui est inventé ici est vrai aussi. Bien au-dessous de la réalité. Ce n’est pas une fiction.
J’ai dit qu’un historien avant enquêté, reconstitué, interrogé, avec rigueur et précision, des gens du train et hors du train. J’ai lu tout cela, pour ne pas mentir. J’ai lu tout ce que je pouvais, pour ne pas tricher. Ne pas faire le malin. Le moins possible.
Mais même en sachant ce que je savais, en lisant ce que j’avais lu, je ne pouvais que mentir. L’inimaginable doit être imaginé. Là où aucune image ne peut se former, il faut former une image.
Une image injuste.
Alors tout ce qui est raconté est faux. Ce n’est pas un livre d’Histoire. L’Histoire est bien pire.
Irréelle.
Ceci est un roman.
Nous sommes le 2 juillet 1944. Plus de 2000 hommes sont confinés dans un train qui les mènera tout droit vers Dachau. Entassés dans une vingtaine de wagons, ils vont vivre l’horreur. Parmi ces déportés, une voix se fait entendre, celle d’un jeune homme d’à peine 22 ans. Trois jours seulement le séparent de son anniversaire. Pendant ces trois jours, il va connaître la faim et la soif, mais surtout faire face à la violence et à la mort. Le réalisme de ce récit est particulièrement troublant : grâce à la narration à la 1ère personne, le lecteur est véritablement plongé dans le wagon, au milieu de tous ces hommes. Les sensations sont extrêmement bien décrites : odeurs, bruits, les détails abondent. Les phrases sont courtes, elles vont à l’essentiel. Ce n’est pas une lecture facile, mais c’est un livre de qualité, à lire, incontestablement.
L’œuvre en quelques mots…
« […] le sort a voulu que je sois près d’une des lucarnes du wagon, pas assez bien bouchée qu’on n’ait pu écarter suffisamment les lattes qui l’obstruaient. Le sort ou l’instinct de survie, un égoïsme vital qui m’a projeté là sans que je l’aie décidé, prévu, pensé – au point que je ne peux même pas en avoir honte. Même la honte on dirait qu’ils nous l’ont enlevée. Parce que cette maigre ouverture grillagée de barbelés me sauvera peut-être la vie. » (p.20)