Vincent Lahouze, Rubiel e(s)t moi

Publié le par calypso

 

 

« Si je devais me souvenir d’une chose, d’une seule chose, ce serait la vision des murs gris de l’Orphelinat du Bienestar de Medellin et des portes qui claquaient lorsque nous courions dans les couloirs, le bruit sourd de mes pieds nus sur le parquet de bois délavé et poussiéreux. Oui, d’aussi loin que je me souvienne, la couleur n’existait pas.

Je suis né en Colombie, à la fin de l’année 1987, mais je n’ai commencé à vivre qu’en 1991. »

 

Il est toujours délicat de juger un roman autobiographique. En l’occurrence, Vincent Lahouze parle clairement d’« autobiographie fictive, avec des bouts de réel » à la fin de son roman. On oscille en effet entre fiction et réalité et il est presque inutile de préciser que les passages fictifs disent autant le personnage-auteur que les passages s’appuyant sur des faits réels et passés. Ils disent son autre réalité, sans doute plus intérieure, plus profonde. Mon avis sur ce récit est absolument objectif – car je ne connaissais absolument pas Vincent Lahouze qui pourtant, je l’ai appris entre temps, dépose ses textes sur les réseaux sociaux depuis quelques années – et complètement subjectif à la fois car j’ai toujours pour habitude de dire ce que je pense, avec plus ou moins de tact et plus ou moins d’humour. Rubiel e(s)t moi et Rubiel est avant tout l’autre, celui de nous que l’on méconnaît et que l’on côtoie pourtant chaque jour. On apprend toute sa vie à vivre avec soi-même, mais Vincent, lui, a dû apprendre à vivre sans Rubiel, dont le prénom a été tu, jusqu’au jour où il a compris que pour être Vincent, pour être lui-même, pour avancer, il fallait redonner vie à l’enfant mort. Vincent e(s)t Rubiel. Il a du moins été lui pendant les premières années de sa vie, entre les murs de l’Orphelinat de Bienestar. Une courte vie marquée par l’absence de repères parentaux et la présence de petits compagnons attendant comme lui un sort meilleur. Du récit de son adoption à ses difficultés à se positionner en tant qu’adulte, en passant par ses premiers émois amoureux, nous suivons le parcours de Vincent et, en parallèle, celui de Rubiel qu’il fait évoluer comme si l’adoption n’avait pas eu lieu, dans une Colombie où la violence se répand à chaque coin de rue. Que serait Rubiel si Vincent n’existait pas ? Qui est Vincent, sans Rubiel ? Prenant pour point de départ cette irréductible duplication de son être, Vincent Lahouze nous offre un texte d’une grande intensité, traversé par de véritables moments de grâce, de ceux qui vous touchent en plein cœur et qui vous rappellent à quel point les mots sont beaux quand ils virevoltent sous la plume d’un auteur qui se livre avec tant de sincérité.

 

 

L’œuvre en quelques mots…

 

« Autour de moi, durant des années, j'entends les gens répéter.

"Une maman, il faut en prendre soin, on n'en a qu'une."

C'est faux. Moi, j'en ai eu deux. L’Éphémère et la Merveilleuse. » (p.44)

 

« Elle ne m'a pas porté dans son ventre, mais à bout de bras. » (p.45)

 

 

 

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S
Après toute la polémique autour du faux profil FB qu'il a tenu, je n'ai eu aucune envie de lire ce livre
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C
Absolument pas au courant...
E
J'ai adoré ce roman !!!!!<br /> Bouleversant & Poignant
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C
Une grande sensibilité et une très belle plume, duo gagnant !