Jane Hamilton, La Carte du monde

Publié le par calypso

 

 

Un moment d'inattention, un seul, et une vie peut basculer. Perdue dans la contemplation d'une carte du monde qu'elle avait dessinée jadis, Alice laisse sans surveillance la fille de sa meilleure amie. Lorsqu'elle revient à elle, il est trop tard...

De ce qui pourrait n'être que le récit d'un accident, Jane Hamilton a fait le point de départ d'un roman sur la culpabilité et la rédemption qui a bouleversé l'Amérique.

 

La Carte du monde est un roman extrêmement dense d’environ 560 pages, dont le point de départ ne relève d’aucun suspense puisqu’il est annoncé sur la quatrième de couverture. C’est l’histoire d’Alice, une jeune femme qui vit avec son mari Howard, un « paysan poète et philosophe », dans la ferme qu’ils ont entièrement rénovée, à Prairie Center. Ils sont les heureux parents de deux fillettes, Emma et Claire, c’est ce qui les lie à leurs voisins, Theresa et Dan, qui ont également deux petites filles, Audrey et Lizzy. Le jour où débute notre histoire, Alice est chargée de garder les quatre filles à la ferme. Elle leur promet de les emmener nager dans la mare qui se trouve sur la propriété mais son propre maillot reste introuvable et elle fouille quelques pièces de la maison en espérant mettre la main dessus. Sans trop savoir pourquoi, ses pas finissent par la conduire jusqu’au vaisselier où elle est pourtant convaincue de ne pas y trouver le vêtement disparu. Elle tombe alors sur une carte du monde, sa carte du monde, « un monde entier qu’[elle avait] dessiné en secret » lorsqu’elle était enfant. Son esprit s’égare dans les méandres de ses souvenirs et, bientôt, ce ne sont plus les secondes mais les minutes qui passent. Combien ? Elle ne saurait le dire. Sans doute très peu. Mais bien assez pour que Lizzy, deux ans, ait disparu de la maison. Alice retrouvera son petit corps recouvert d’un maillot de coton rose dans la mare. Juste quelques minutes, juste quelques centimètres.

Le début du roman qui expose les circonstances de ce terrible drame est une véritable réussite. Il faut comprendre que ce n’est pas un roman sur le drame en tant que tel mais sur les conséquences de ce drame. Autrement dit, l’auteur ne s’encombre pas de détails insignifiants et va à l’essentiel. Il ne faut en effet pas plus de 30 pages pour que la mort de la petite Lizzy soit annoncée. A partir de là, toute la palette des sentiments peut être déclinée, à commencer par la colère et l’injustice. Présenté comme un roman interrogeant la culpabilité et le pardon, La Carte du monde propose, à partir de cet élément déclencheur, un autre événement, qui n’est pas sans lien avec le premier, mais qui vient « perturber » le cheminement personnel (Alice) et relationnel (Alice/Theresa) qui aurait pu se suffire à lui-même, ce que je pensais lire en fait. Un roman sur la reconstruction et le pardon. Et rien d’autre. Ce n’est donc pas tout à fait le cas puisqu’Alice se retrouve très rapidement la cible d’insinuations calomnieuses qui vont la conduire en prison. Evidemment, même si ce n’est pas ce à quoi je m’attendais en choisissant de lire ce titre, je ne peux pas nier que l’ensemble est très cohérent et très convaincant. Les dialogues, les émotions et les réactions, en clair tout ce qui correspond à la psychologie des personnages me paraît avoir été traité avec une grande justesse. Les scènes de procès en particulier et toutes les scènes qui les encadrent sont passionnantes. Même si ce roman n’est pas un coup de cœur, il m’a beaucoup émue et je comprends qu’il ait « bouleversé l’Amérique » lors de sa parution en 1994.

 

 

L’œuvre en quelques mots…

 

« J’avais toujours pensé que la perte de la Grâce ne pouvait résulter que d’une terrible erreur ou d’un accident fatal. Je ne savais pas encore que cela pouvait survenir si progressivement que l’on ne sent pas le souffle nous manquer, ni la chute finale. L’évolution est parfois imperceptible. J’ai découvert qu’il fallait au moins deux choses – et le plus souvent trois – pour altérer le cours d’une vie : un écart par rapport à la vérité, puis un autre, puis un troisième. Alors, vous réalisez, l’espace d’un instant, à quel point vous avez rapidement touché le fond. » (p.9)

 

« A l’époque où je pleurais ma mère, et plus tard ma tante Kate, je me disais que, toutes mortes qu’elles fussent, elles étaient toujours en moi, elles habitaient mon univers intérieur, qui n’était pas moins varié et bruyant que la vie elle-même. Très tôt déjà, je plaçais le don de mémoire au-dessus de toute autre qualité. Je comprenais qu’en vieillissant, nous rassemblons une nation entière en nous, des lieux et des gestes disparus ; nous les croyons nôtres et, aussi impénétrables que la pierre, nous brandissons seuls la torche qui éclaire notre passé. » (p.62)

 

 

 

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