Eric Reinhardt, L'amour et les forêts

Publié le par calypso

 

À l'origine, Bénédicte Ombredanne avait voulu le rencontrer pour lui dire combien son dernier livre avait changé sa vie. Une vie sur laquelle elle fit bientôt des confidences à l'écrivain, l'entraînant dans sa détresse, lui racontant une folle journée de rébellion vécue deux ans plus tôt, en réaction au harcèlement continuel de son mari. La plus belle journée de toute son existence, mais aussi le début de sa perte.

 

Il m’arrive de temps en temps de consulter les listes des prix littéraires afin d’y piocher des idées. Ce n’est pas parce que je suis convaincue d’y trouver des pépites, c’est parce que je suis curieuse et que j’aime bâtir ma propre opinion sur des titres dont on parle beaucoup. C’est ainsi que j’ai choisi de lire il y a quelques jours L’amour et les forêts, sans rien connaître de l’auteur et sans avoir lu une seule critique. J’ai forcément dû en entendre parler un peu à sa sortie, mais comme il date de 2014, autant dire que les quelques informations que j’ai pu avoir sur ce roman se sont évanouies dans le tréfonds de ma mémoire…

D’abord, c’est un joli titre. On ne sait d’ailleurs pas vraiment s’il sera question d’amour ou de forêts dans ce roman quand on en commence la lecture, tant la figure de l’auteur occupe les premières pages. Il est là qui parle de lui et qui nous raconte sa rencontre avec une certaine Bénédicte Ombredanne, professeure agrégée de Lettres exerçant dans un lycée. Une « fan ». Ça a l’air de faire du bien à l’égo et c’est très moderne, cette intrusion de l’auteur dans une histoire qui aurait peut-être pu se passer de ce procédé. Je m’explique – et qu’on me hue si besoin – ce roman qui pourrait être considéré comme réussi par le thème qu’il aborde est un échec en terme de narration. L’histoire de Bénédicte est terrible, elle se suffit à elle-même. Je l’appelle Bénédicte, contrairement à l’auteur qui ne cesse de l’appeler Bénédicte Ombredanne – c’est insupportable – comme pour mieux la mettre à distance. C’est complètement réussi d’ailleurs ! Je suis une ultra-sensible et je crois n’avoir quasiment rien ressenti à l’égard de cette pauvre héroïne pendant les deux-tiers du roman. C’est parce que c’est mal raconté (oups, j’ai osé) : sa décision de chercher un homme sur Meetic et les discussions qui s’ensuivent… caricaturales à souhait, sa rencontre avec l’homme parfait (du premier coup, on repassera sur la probabilité), le long passage sur le tir à l’arc, les scènes de sexe sans intérêt majeur… Bon, ça c’est le début. Ensuite, viennent l’aveu et la description d’un véritable enfer psychologique vécu par la jeune trentenaire. On compatit un peu mais rien n’est fait non plus pour nous rendre le personnage sympathique. On peine aussi à comprendre l’enfermement de ce personnage dans sa situation, mais ça c’est un autre débat. La seule partie qui a trouvé grâce à mes yeux est la troisième : c’est la sœur de Bénédicte qui reprend le flambeau narratif si j’ose dire et c’est… glaçant. Là, on tient quelque chose de puissant. Mais le reste du roman… C’est décousu, ça manque d’unité. On passe d’une envolée lyrique à des propos d’une grossièreté affligeante. Et l’histoire… Non, vraiment, on n’y croit pas ! Quel dommage quand on sait que des Bénédicte Ombredanne, il y en a un nombre effrayant… Alors, on va peut-être me dire que je n’ai rien compris au livre, c’est ce qu’on a visiblement reproché à d’autres lecteurs qui ont livré des critiques négatives (je viens d’en lire quelques-unes). Or, je n’ai pas besoin de comprendre, j’ai besoin de ressentir et quand je ne ressens quasiment rien sur un sujet aussi douloureux, c’est le signe pour moi d’un naufrage romanesque.

 

 

L’œuvre en quelques mots…

 

« Ce qui accentuait cette intuition que Bénédicte Ombredanne n’allait pas très bien, c’était aussi l’importance qu’elle accordait aux livres qu’elle adorait, une importance que je sentais démesurée : comparable à un naufragé qui dérive en haute mer accroché à une bouée, elle les voyait comme détourner leur route et s’orienter lentement vers sa personne de toute la hauteur de leur coque, c’était bien eux qui allaient vers elle et non l’inverse, comme s’ils avaient été écrits pour l’extraire des eaux sépulcrales où elle s’était résignée à attendre une mort lente. »

 

« Rien n'est pire que le dur des surfaces planes, que le tangible des surfaces dures, que l'obstacle des écrans qui se dressent, sauf si des films y sont projetés. Je préfère le profond, ce qui peut se pénétrer, ce en quoi il est envisageable de s'engloutir, de se dissimuler : l'amour et les forêts, la nuit, l'automne, exactement comme vous. »

 

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