Michael Farris Smith, Nulle part sur la terre

Publié le par calypso

 

 

Une femme marche seule avec une petite fille sur une route de Louisiane. Elle n’a nulle part où aller. Partie sans rien quelques années plus tôt de la ville où elle a grandi, elle revient tout aussi démunie. Elle pense avoir connu le pire. Elle se trompe.

Russel a lui aussi quitté sa ville natale, onze ans plus tôt. Pour une peine de prison qui vient tout juste d’arriver à son terme. Il retourne chez lui en pensant avoir réglé sa dette. C’est sans compter sur le désir de vengeance de ceux qui l’attendent.

Dans les paysages désolés de la campagne américaine, un meurtre va réunir ces âmes perdues, dont les vies vont bientôt ne plus tenir qu’à un fil.

 

D’abord, l’écriture. Elle sent le bitume et la poussière. Elle vous attrape et vous plonge dans l’histoire dès les premiers mots. Elle est en parfaite adéquation avec le propos, brute, ciselée et parfois lyrique. Une vraie poésie de la fatalité.

Ensuite, les personnages. Ils sont les acteurs de leur propre tragédie. Deux êtres perdus, en errance, que le destin n’a pas épargnés. Ils traînent derrière eux un passé qu’ils fuient. Ils sont terriblement humains, ordinaires et complexes à la fois. Pleins d’espoir aussi.

Enfin, l’histoire. L’histoire d’une rencontre au sud des Etats-Unis, dans un coin où les flics outrepassent leurs droits, où les voyous jurent vengeance et où les filles vendent leurs corps. Tout est noir, chacun est l’ennemi de l’autre. C’est dans ce contexte que la route de Russel croise celle de Maben. Lui, il sort tout juste de prison, onze ans derrière les barreaux. Sa vie a été brisée en un instant, il ne sait même pas ce qu’il peut encore attendre de la vie et il ne sait pas plus qui l’attend. Elle, elle n’a qu’un sac qu’elle porte sur son dos et une fillette qu’elle tient par la main. Elle a besoin d’aide et il a besoin de se sentir vivant. Et si le destin ne les avait pas réunis par hasard ?

C’est incontestable, même si ce roman n’est pas un coup de cœur, je ne peux pas nier que c’est une vraie réussite littéraire. Il est en tout point convaincant, tant dans la forme que dans le fond, et c’est d’autant plus surprenant que ce n’est que le deuxième titre de l’auteur. Je crois que l’on appelle cela le talent…

 

 

L’œuvre en quelques mots…

 

« Ce soir-là, il avait bu plus que d'habitude sans raison particulière, sinon que c'était l'un de ces vendredis soirs torrides du Mississippi où vous venez de toucher votre paye et il y a dans votre vie une fille qui vous aime et vous recevez cinq sur cinq cette radio de La Nouvelle-Orléans qui passe des vieux blues, ces voix brisées qui chantent la poisse et les femmes insatiables et les p'tits coqs rouges et les allées et venues furtives par la porte de derrière. L’un de ces soirs où la lumière s’attarde et repousse sans cesse la nuit et tant qu’il y a de l’essence dans les pompes des stations on se dit que ce serait trop bête de ne pas la faire flamber. Plus d’une fois par la suite il s’était dit qu’il aurait mieux valu qu’il y ait une raison. Quelque chose qui l’aurait provoqué, poussé, énervé, bousculé, quelque chose qui aurait pu expliquer qu’il ait tellement bu. Plus d’une fois il aurait voulu pouvoir pointer du doigt et désigner un autre coupable. Mais il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même. » (p.127)

 

 

#MRL17

 

 

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