Rachel Corenblit, Un petit bout d'enfer

Publié le par calypso

 

 

Elle n'a pas encore seize ans, mais elle fait tout comme. Quand elle s'installe dans la salle de cinéma à la première séance, pour échapper aux vacances pourries chez sa grand-mère, elle ne sait pas que « les scènes particulièrement violentes qui pourraient heurter sa sensibilité », ce n'est pas seulement sur l'écran.

« Ce n'était peut-être pas une si bonne idée de venir ici. Et puis, je n'aime pas vraiment les films d'horreur. Le sang partout, les cris, les filles qu'on poursuit dans les labyrinthes. Mais je n'ai jamais vu de films interdits aux moins de seize ans. »

 

La première chose que j’ai faite après avoir refermé ce livre a été de consulter le site des Editions du Rouergue pour voir à quelle tranche d’âge est destiné ce roman. « Ados et jeunes adultes ». J’en côtoie, des ados, et clairement je ne pourrais pas mettre ce livre entre leurs mains. 16 ans me semble être un âge raisonnable, pas moins. C’est d’ailleurs l’âge que prétend avoir la narratrice – qui en réalité n’est âgée que de 14 ans. 16 ans c’est ce qui l’unit au deuxième narrateur du roman. Leur point commun en quelque sorte. Plutôt troublant. On pourrait croire au départ que lui aussi a 16 ans, mais pas du tout. En fait, il ne s’agit pas de son âge. Lui, cela fait 16 ans qu’il est marié avec sa femme. L’une cumule les bêtises propres aux adolescents de son âge, l’autre commet l’acte le plus horrible qui soit. Et leurs deux chemins se croisent, au cinéma, une rencontre d’une banalité incroyable et profondément dérangeante.

Honnêtement, j’ai lu ce court roman d’une traite. Je commence à être familiarisée avec la plume de Rachel Corenblit, je la trouve particulièrement efficace, alors même que ses romans abordent des thèmes tout à fait différents. La construction du roman m’a également beaucoup plu, notamment cette aura de mystère qui plane sur le personnage masculin et qui s’interrompt brusquement, dans un chapitre qui est un véritable coup de poing. Après, bien sûr on comprend relativement vite comment les choses vont tourner et on devine assez facilement la fin de l’histoire, fin que l’on pourrait juger simpliste et qui, de fait, semble venir « apaiser » en quelque sorte la dureté des événements racontés. Mais ce serait sans lire entre les lignes car cette fin, moi, je l’ai trouvée assez troublante.

 

 

L’œuvre en quelques mots…

 

« Il sait où il va. C'est rare, dans la vie, de connaître la bonne direction. En général, on flotte, on se laisse porter par les événements. On rencontre une fille, à un repas de famille, un mariage et la fille est belle, elle a des yeux et des seins magnifiques, un sourire incroyable et on a envie de la serrer dans ses bras, de l'aimer tout de suite mais on n'a rien décidé. Il y a une minute, on ne savait pas qu'on allait la trouver. C'est la vie qui ordonne. Qui dispose. On navigue à vue de nez. La fille, on l'aime. Où est la part de soi dans les décisions qu'on prend ? Dans les sentiments qu'on éprouve ? » (p.26)

 

« Dans cette fraction d'instant, il se dit qu'il est mort le jour de sa naissance. Que le souffle perdu de sa mère était le sien, en vérité.

Le reste, c'est un mensonge. Un mirage. » (p.136)

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